Le nouveau site de Jean-Marie Colombani slate.fr propose un entretien avec Jérôme Jaffré, directeur du CECOP (Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique).
Comment expliquez-vous la baisse rapide de la cote de popularité du Président de la République ?
Jérôme Jaffré: Nicolas Sarkozy souffre aujourd'hui auprès de l'opinion du décalage grandissant entre les thèmes de sa campagne présidentielle et de la première partie de sa présidence et une situation désormais marquée par une profonde crise économique et sociale. Phénomène aggravant aux yeux des Français, il n'a pas non plus adapté sa façon de présider à ce nouvel environnement.
En quoi le sarkozysme première version est en contradiction avec la crise ?
Jérôme Jaffré : Le programme politique principal du sarkozysme première version consistait à vouloir adapter la France et les Français au monde et pour cela de mettre en œuvre des réformes profondes et difficiles. Au moment où le monde paraît devenir fou, la nécessité de s'y adapter n'est plus du tout évidente. La contradiction est du même ordre avec la mise en avant de la valeur travail. Quand le problème principal redevient le chômage, ce n'est évidemment plus la question primordiale.
L'autre ressort de la baisse rapide de popularité du président tient de plus en plus à sa façon de présider: omniprésent, concentrant les pouvoirs. C'était déjà ce qui fédérait l'opposition au président. Il continue d'ailleurs de ci de là de tenir des propos provocateurs qui choquent dans une période difficile. Cela passe d'autant plus mal qu'il donne aujourd'hui le sentiment de ne plus savoir où il va, de flotter, d'hésiter. Cela transparaissait lors de l'intervention télévisée de la semaine dernière dans des phrases comme : «je ne sais pas», «on verra», «ma tâche est difficile».
Quel retenez-vous de son intervention télévisée du 5 février ?
Jérôme Jaffré : Nicolas Sarkozy n'a pas réussi la pédagogie de la crise, domaine dans lequel il est d'ailleurs généralement moins bon que dans l'affichage du volontarisme. L'exemple le plus significatif est celui des aides apportées aux banques et à l'industrie automobile. L'opinion ne comprend pas comment un gouvernement qui déclarait que les caisses sont vides et qu'il faut absolument faire des économies paraisse débloquer soudain des milliards d'euros.
Peut-il enrayer sa chute dans les sondages ?
Jérôme Jaffré : D'abord un constat, son mode de gouvernement le place dans une position très difficile. Quand le président est le ministre de tout, il s'expose de façon inconsidérée. Le Premier ministre ne lui sert pas de bouclier qui est son rôle traditionnel dans la Ve République. Toute la fureur de la rue liée à la crise est d'ailleurs tournée vers le président. Pour sortir de cette situation, il faut absolument reconnaître la nécessité de changer de priorités et donner un contenu concret à son propos: «c'est à moi de protéger les Français». Cela peut être un chèque anti-crise pour les personnes modestes, une revalorisation des indemnités pour les chômeurs... les Français attendent du Président du concret face à la crise.
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